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ثقافة Film "Rediscovering Fanon" de Rico Speight: Fanon à l'épreuve des violences racistes d'aujourd'hui

نشر في  23 ديسمبر 2025  (21:04)

Poignant est le film de Rico Speight consacré à Frantz Fanon. Présenté lors de la 36ème édition des Journées Cinématographiques de Carthage, le documentaire multiplie les voix qui donnent corps à la pensée du médecin et écrivain anticolonialiste : celles qui rappellent son appel à la liberté, celles qui focalisent sur son refus de l'injustice et celles qui mettent en exergue sa lutte contre toutes les formes de violence.

Dans son film, le réalisateur new-yorkais originaire d'Harlem, opère surtout une triangulation entre la pensée de Fanon, les actes de violence racistes qui ont marqué les Etats-Unis ces dernières années et la violence coloniale exercée en Algérie dans les années cinquante.

En croisant ces temporalités et ces espaces, Rico Speight s'attache à démontrer que la violence se perpétue à travers des dispositifs de pouvoir aussi bien coloniaux que raciaux et qu'elle s’exerce toujours contre le plus faible, le dominé.

Le réalisateur compose son propos: il fait circuler la parole, hachure les zones blanches, hâle les images, traque l'inadmissible, poétise le portrait, convoque l'archive ainsi les vidéos partagées sur les réseaux sociaux, heurte la sensibilité du spectateur pour exprimer la complexité de la situation et faire sentir l’urgence sociale et humaine d'orienter le regard vers des destins voués au racisme et à la violence.

En surimpression, le visage de Frantz Fanon s'imprime sur certains plans du film, invitant sa pensée à dialoguer avec le présent, à hanter le réel et à en révéler les fractures et les douleurs infinies.

Le film se veut un manifeste antiviolence porté par une volonté explicite de mettre fin à l'asservissement de l'homme par l’homme. 

En donnant à voir des cas de meurtres racistes commis par des policiers à l’encontre de citoyens afro-américains — George Floyd, Michael Brown, Trayvon Martin, entre autres — et les manifestations massives qu'ils ont suscitées, le film dénonce un racisme profondément enraciné, qui ne reconnaît pas dans la peau noire un corps citoyen, mais un corps suspect. Les policiers étouffent, ligotent, braquent leurs armes et tirent à bout portant, de sang-froid, comme si le corps noir était d’emblée coupable.

Les vidéos de ces crimes racistes obsèdent Speight : il les montre et les remontre parce que la négation de l’homme par l’homme est insoutenable. Aucune conscience, aucun esprit libre ne devrait s’y résigner. En réinvestissant ces images violentes, le réalisateur exprime aussi le refus de leur banalisation et les inscrits dans un registre autre que celui de l’information : elles deviennent symptomatiques d’une société racialisée.

C’est dans cette perspective que Rico Speight invite à une analyse de ces actes odieux à la lumière de l’œuvre de Fanon qui dénonce la violence d'un racisme où le corps noir, enfermé dans un « schéma épidermique » (concept développé par Fanon dans Peau noire, masques blancs), est perçu comme un danger avant d’être reconnu comme un être humain.

Après les films de Abdenour Zahzah (Franz Fanon), de Mehdi Lallaoui (Sur les traces de Frantz Fanon) et de Jean-Claude Barny (Fanon), œuvres consacrées récemment au militant, écrivain et psychiatre Frantz Fanon, c’est au tour du réalisateur américain Rico Speight d’apporter un nouveau regard sur la pensée de Fanon, un regard qui conjugue les violences insupportables d’hier et d’aujourd’hui.

 Chiraz Ben Mrad